Dans un projet d'avis circonstancié, la Commission européenne demande à Paris de revoir sa copie sur plusieurs points, jugé en l'état incompatible avec le droit communautaire. La France devra s'exécuter si elle veut éviter d'être poursuivie en justice.
Paris devra revoir sa copie.
La Commission européenne, qui avait jusqu'à aujourd'hui pour rendre un premier avis sur le projet d'« ouverture maîtrisée » du marché français des jeux et paris en ligne (poker, paris sportifs ...), s'apprête à demander à la France de modifier son projet de loi, jugé en l'état incompatible avec le droit communautaire. En particulier avec les sacro-saints principes de libre établissement et de libre prestation de services. Dans ce projet d'avis , le commissaire européen en charge de l'Entreprise et de l'Industrie, Günther Verheugen, ne se contente pas de formuler certains commentaires en vue d'obtenir des éclaircissements sur le texte. En plein accord avec son homologue au Marché intérieur, Charlie McCreevy, il appelle aussi dans un avis circonstancié (« detailed opinion ») à plusieurs modifications.
La France devra s'exécuter si elle veut éviter d'être poursuivie par la Commission devant la Cour de justice des Communautés européennes. Elle devra informer Bruxelles des changements apportés. En cas d'avis circonstancié, la procédure veut aussi que la période de trois mois pendant laquelle Paris n'avait pas le droit de faire entrer en vigueur sa réforme à compter de sa notification, le 5 mars, soit prolongée d'un mois supplémentaire, autrement dit jusqu'au 8 juillet. Ce qui, en l'occurrence, ne pose pas de difficulté particulière puisque le pro jet de loi ne devrait être débattu au Parlement qu'à l'automne.
Sur quels points Bruxelles souhaite voir évoluer le texte français ?
Sur le futur système d'autorisation des nouveaux opérateurs, d'abord. « Il est d'une importance primordiale que les autorités françaises clarifient et amendent le texte pour indiquer explicitement qu'elles prendront en compte les obligations et, plus généralement, le système réglementaire de contrôle et de sanction auquel sont déjà soumis les opérateurs dans le pays où ils sont établis », souligne la Commission. En clair, qu'elles prennent en considération les opérateurs disposant déjà d'agréments dans d'autres Etats membres.
Sur le plafonnement du taux de retour aux joueurs, ensuite. Bruxelles conteste la vision française selon laquelle il permettrait de limiter le phénomène d'addiction. « La Commission a demandé aux autorités françaises de lui apporter des preuves. Aucune n'a été fournie », regrette l'avis circonstancié. « Il n'y a qu'à voir les problèmes d'addiction du Royaume-Uni », réplique- t-on dans le camp français.
Sur l'obligation d'avoir un représentant fiscal en France, que Paris veut imposer aux opérateurs précisément pour les contraindre à limiter le taux de retour aux joueurs afin de compenser une fiscalité élevée, mais que Bruxelles juge « disproportionnée ».
Enfin, sur la nécessité d'obtenir le consentement des fédérations sportives pour proposer des paris sur les événements qu'elles organisent.
Rien, en revanche, sur les paris hippiques à cote fixe, que la France souhaite continuer d'interdire au profit des paris mutuels. Charlie McCreevy, grand amateur de courses hippiques, craint-il de mettre en difficulté la filière en France ? Bruxelles, en tout cas, n'y voit rien à redire.
De son côté, le cabinet du ministre du Budget faisait savoir, vendredi soir, ne pas avoir connaissance de la position bruxelloise et encore moins d'un « document officiel » . On y affichait cependant un « sentiment optimiste », et de souligner que « la Commission n'a pas caché que le projet français était une avancée » .
source : Les echos