Retour sur mon récent voyage à Dublin (1) - 21/02/2012 03h00

European Deepstack Dublin 2012

52 jours sont passés depuis mon dernier billet sur ce blog. La honte absolue.

Comment revendiquer le fait d'être un bloggeur, si je ne prends pas le temps de temps en temps d'alimenter le bébé...

A ma décharge, la rentrée a été assez chargée... Bon ça suffit oui? Y a pas d'excuse. Le temps ça se prend. Mordious!!!

De quoi je voulais vous parler déjà? Ah oui... Mon récent voyage à Dublin.

J'ai laissé entendre dans un autre message avoir beaucoup dormi. Coupons court à la légende, c'est vrai!

J'ai néanmoins joué 3 tournois (dont deux fois le Main Event - merci les re-entry)...

Pas de résultat, ni de jour 2...mais une belle expérience quand même.

A l'instant me revient le surnom que pas mal de français donnent à la jolie Marion Nedellec...

"Day one only"...



Malgré la série qui s'enchaîne, j'espère ne pas avoir été contaminé par la lecture de ce surnom fantasque...

Donc, pas de jour 2... Mais quand même trois jours 1 très animés.

Avec près de deux semaines de retard pour mon compte-rendu, je vais tenter de vous livrer quelques bribes bien en mémoire, pour le reste, il faudra m'hypnotiser car j'ai une fâcheuse tendance ces derniers temps à avoir des défauts de mémoire à court terme (un Alzheimer précoce sans doute...ou une grosse fatigue tout simplement).

Commençons par le Main Event.

Jour 1A:

Premier souvenir impérissable. Le tirage au sort. J'hérite d'un siège 3... Ça ça va...

A ma droite, au siège 2, Steven King... Le vainqueur de l'European Short Handed devant 656 joueurs en septembre dernier.

A ma gauche, au siège 4, le numéro 1 belge de ces 12 derniers mois, et double lauréat de l'As d'Or, Kevin Vandersmissen.

A ma sur-gauche, au siège 5, un de nos floors du Casino de Namur, Grégory Puissant. Moins prestigieux que les deux noms précédemment cités, ce dernier reste néanmoins sur deux campagnes dans ce festival qui l'ont vu terminé 3ème du Main Event en 2010, et 3ème sur side à 300€ en 2011... Pas n'importe qui donc...

Un peu plus loin, au siège 7 en vis-à-vis, le champion de Belgique 2011, Michael "NoTips" Gathy...

Sorry pour le surnom, mais je n'ai pas pu m'empêcher... @Kaytor, si tu me lis, don't worry, c'est de l'humour.

Si je me permets de lui attribuer ce surnom, c'est parce que la hache de guerre est enterrée avec notre champion. Une bonne explication, quelques sourires, quelques discussions stratégiques, puis... ben finalement on s'entend plutôt bien...

Mais revenons sur cette fichue table de la mort.



@photo d'Olivier Baeten

Va falloir être concentré sacrebleu.

Après avoir observé un peu dans mon coin, la tendance du jour se confirme, il va falloir aller au charbon... A cette table, ça ne rigole pas... (ni les 4 randoms qui ont également hérité de cette table de fous, et qui tirent des tronches jusqu'à parterre à la vue des coups féériques de la table).

Au détour d'une pause clope, je me suis laissé aller à regarder un peu nos tables voisines. Ca joue serré tendu comme des strings de sumos sous-taillés.

Quelque part je râle en me disant que le draw avait été sévère, mais d'un autre côté, j'étais satisfait de pouvoir croiser le fer avec la fleur de notre poker national.

Les 3 premières heures furent relativement difficiles. Pas spécialement contre les ténors, qui étaient tous plus ou moins en mode "attente" (même si quand ils jouaient... ils jouaient).

Non, j'ai réussi à perdre deux fois les as, une fois un set touché au flop, contre un over-set, une couleur contre une couleur supérieure, et un full contre un carré... toujours opposé aux randoms.

Avoir maintenu mon stack vers les 30K relevait presque de l'exploit...

Je me souviens ensuite assez précisément de 2 mains particulières.

Main numéro 1.

La première m'a opposé à Kevin. J'avais remarqué le plaisir que Kevin avait à me sur-relancer en fin de parole quand je décidais d'ouvrir avant lui.

A ce moment du tournoi, j'ai 35K et Kevin déjà plus de 65K.

Blinds 100-200 Ante 25. Depuis le CO, j'ouvre à 450 avec

Pour la 4ème fois depuis le début, Kevin me 3-bet à 1025. Tout le monde folde derrière lui, et je décide d'aller voir le flop.



Bon, j'ai touché top paire avec kicker moyen... Je dois maintenant établir un plan.

Je pense à ce moment être devant Kevin, tellement je soupçonne son range de comporter 169 cartes.

Avant d'aller plus loin, je m'engueule un peu intérieurement, parce que mon choix de caller le 3-bet hors de position est terriblement passif. Soupçonnant Kevin d'utiliser le re-steal de manière systématique contre moi, la meilleure manière de le calmer n'est certainement pas d'être passif. Un bon 4-bet ne m'aurait pas coûté cher, et j'aurais en cas de bonne lecture récolté plus de respect pour la suite (S'il pratique le 3-bet à outrance, Kevin ne s'engage généralement pas plus loin s'il est contesté).

Mais soit.

Un plan. Le flop est très sec. Me souvenant du style de Kevin, observé lors d'un coverage, je suis persuadé que celui ne misera le flop que s'il n'a rien, ou moins bien.

Son style étant plutôt de me laisser améliorer ma main s'il a une bombe, histoire de me soutirer un max de jetons.

Je check donc pour voir ce qu'il va faire.

Kevin ouvre alors à 1825. Une grosse mise assez révélatrice pour moi. Il n'a rien du tout et veut arrêter le coup tout de suite.

Hors de question pour moi de folder dès lors.

Reste à établir le meilleur choix. Soit choisir le check-raise tout de suite, qui à mon sens ne récolterait qu'un fold... soit être gourmand, et choisir la ligne la plus passive possible en payant simplement.

J'opte pour le call, me disant qu'il y a peu de chance que la turn n'améliore sa main pour battre la mienne.

La turn est à la fois belle et moche.

Belle car elle m'offre un tirage couleur supplémentaire, moche car un as dans sa main, et je serais passé derrière.

Le pot fait maintenant 6225.

J'avoue être un peu perdu à ce moment. En choisissant la ligne passive, j'ai laissé tomber une turn qui pourrait mettre mon tournoi en danger. Si celle-ci avait été n'importe quelle carte en dessous de la dame, je me serais senti plus en confiance (forcément).

De nouveau je pense que m'en remettre à ce qu'il va faire reste la meilleure manière de comprendre si oui ou non cette turn est dangereuse pour moi.

Je check donc, et là j'ai été très surpris. En effet, Dès le moment où j'ai payé sa mise au flop, je n'ai cessé d'observer Kevin. Jamais il n'a tourné la tête vers moi. J'ai checké. Il a fixé le flop assez longtemps (tell de faiblesse à mon avis). Puis a attendu très longtemps avant de faire une mise à ... 2200.

A ce moment je gamberge pas mal et ai le raisonnement suivant:

Cette mise relativement faible est très bizarre au moment ou un draw apparaît sur le board. Il a du sentir de la faiblesse chez moi, et il veut l'exploiter sans faire de frais excessifs. Le fait qu'il ait ouvert si cher au flop (3/4 pot) pour ouvrir à 1/3 pot à la turn... Je ne pense pas qu'il puisse me voir sur un flushdraw néanmoins... En effet, mon call au flop n'aurait pas de sens. Il veut sans doute représenter l'as. En fait je me dis que s'il a un as réellement, il checkerait maintenant le flop, comme pour me proposer de miser moi même la river...afin de me payer et me soutirer un maximum de jetons.

Ici je dois mettre 2200 pour en gagner 8425. J'ai une main qui peut s'améliorer, et qui est sans doute encore devant...

Je n'ai pas envie de check raiser ici afin de protéger mon tapis... En effet, s'il m'envoyait la sauce, je serais obligé d'engager tout mon tournoi. C'est un peu tôt.

Je n'ai pas envie de folder non plus... La séquence de mise est tellement bizarre...

J'opte une fois de plus pour le call.

La river est une carte blanche...

Nouvelle réflexion. J'estime ici avoir de la showdown value. Un board

avec n'est pas tellement effrayant.

Je dois choisir ici entre checker et miser.

Si je check, il y a deux possibilités. Soit il check derrière, soit il mise.

Petite rétrospective tout d'abord pour évaluer sa main. Il a misé fortement le flop. Par rapport à sa manière de jouer, j'exclus d'emblée les paires qui lui auraient donnée un set au flop.

Par rapport à sa petite mise à la turn, je pense qu'il peut avoir soit un as moyen, soit rien du tout.

Sur cette base, j'ai envie d'avoir un showdown pour le moins cher possible.

-Si je mise, par rapport à la ligne passive choisie, il pourrait m'envoyer une grosse relance en pur bluff. Ce que je ne veux pas.

-Si je check, il aura deux choix. Soit checker derrière soit miser.

Ici, je pense qu'il ne misera qu'avec une main que je bats. Le pot serait conséquent, et avec air, il n'aurait aucun intérêt à checker derrière (surtout devant ma passivité).

Par contre, avec une main moyenne qui me bat, il aurait tout intérêt à avoir un showdown à moindre prix.

Le check semble de nouveau la meilleure solution.

Je décide donc de laisser la parole à Kevin.

Celui-ci entre alors dans une grosse réflexion, envoie une mise à 6875 (plus de 2/3 du pot).

Cette nouvelle mise me semble bien mieux calibrée que les précédentes, car elle est suffisamment forte pour faire douter la main moyenne que j'ai (que je suis certain qu'il a définie).

Je me dis à ce moment qu'il pourrait avoir deux paires AQ, A7...A2

Néanmoins, je décide de me fier à ma lecture, et opte pour un call rapide prenant directement mes cartes en main pour les montrer. Kevin va encore plus vite et retourne très vite sa main... qui s'avère comme je le pensais un bluff complet

Je montre la main gagnante et augmente mon stack de 12000 jetons qui sont les bienvenus.

Soyons clairs, je n'aime pas du tout ma manière de jouer la main qui a été conditionnée par un jeu passif dès son 3-bet avant le flop.

Je n'ai pu me fier par après qu'à ses séquences de mise, et à un éventuel tell observé à la turn.

La prochaine fois, j'éviterai le mal de tête et avec cette profondeur, j'opterai pour un 4-bet avant le flop dans ce genre de situation. Ce serait certainement beaucoup plus raisonnable.



Main numéro 2.

2ème main... Là ça part en carnaval complet.

On est seulement une orbite plus tard.

Les blinds sont toujours à 100-200 Ante 25. Accrochez-vous, c'est parti.

Michael Gathy ouvre à 600 (3BB) depuis UTG+1.

La parole m'arrive et je relève 2 valets. Une sur-relance est ma première idée.

Puis m'en vient une plus saugrenue. Kevin doit parler depuis la SB après moi. En payant simplement, je pourrais l'inciter à rentrer dans un squeeze (coup qu'il affectionne particulièrement), ce qui pourrait me donner l'opportunité de lui revenir dessus. Si les blinds laissent tomber le coup, je pourrais jouer le flop en position à moindre coût. Ok je paie les 600 (soyons créatif).

Comme convenu avec le petit diable au-dessus de ma tête, Kevin envoie illico 2500.

La parole revient à Michael, qui porte les enchères à 5100... Petite révision, ça ce n'était pas prévu...

Je prends mon temps. J'estime le stack derrière de Michael à plus ou moins 19K (24K en tout).

Cette relance sur Kevin me laisse penser deux choses. Soit il a une main et il veut la jouer en tête à tête en position sur Kevin, soit il a une main moyenne, mais comme moi il sait que Kevin vole... et en fixant les enchères à seulement 5100, il veut sans doute se laisser une éventuelle opportunité de lâcher le coup derrière...

S'il a une main, ce sera bien souvent AA, KK, QQ ou AK. S'il a moins, il foldera sur tous mes 5-bets.

Contre les 4 mains évoquées, je suis à 36% d'équité.

J'exclus quasiment tout de suite Kevin de l'équation en fait...

Je me donne 50% de possibilités de faire folder Michael en relançant, et 50% de me voir payer.

Ce qui veut dire qu'une fois sur deux, je gagnerai un pot de 8625 sans trop me fouler, et une fois sur deux, je jouerai un coup à 36% pour un gain de 27500 en devant investir 23400.

Ce qui signifie que dans le cas où il ne folde pas, je serai perdant en moyenne de 5000 jetons (0.64X23400 - 0.36X27500).

8625-5000 = +3625.

Le coup me semblant intéressant, je décide d'opter pour un 5-bet à 12500.

Comme prévu les cartes de Kevin atterrissent dans la défausse en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire... et comme à moitié prévu... Michael envoie son tapis...

Je paie et me vois montrer deux rois... qui tiendront le coup.

Je perds 24000 dans le coup (la moitié de mon stack), mais estime le coup intéressant.

A la fin de la journée, je soumettrai le coup à plusieurs personnes suivant mon analyse pour voir les avis diverger. Anthony Rodrigues et Jean-Marie Vandeborne aurait tous les deux payé 600, mais folder sur le 4-bet. Michael m'a dit qu'il aurait joué comme moi, avec une mesure de prudence supplémentaire par rapport à Kevin (il aurait fait une mini relance à 8000, histoire de me laisser plus de place pour folder au cas où Kevin aurait réellement une main), d'autres auraient plutôt tenté de prendre le contrôle dès la première relance de Michael...

A suivre....

Voilà déjà 2 bonnes heures que je rédige ce billet...

Lors d'un prochain article je continuerai mon compte-rendu dublinesque...

Là, j'ai les doigts en compote de pomme, et les yeux qui se ferment tout doucement...

N'hésitez pas à commenter les deux mains proposées... Perso j'y réfléchis toujours.

A bientôt pour la suite (pas dans 52 jours, je vous rassure)...