Passer à autre choseEtant un spécialiste de l’auto-analyse cérébrale, il m’est arrivé à plusieurs reprises cette année d’évoquer mon mal-être au poker dans mes billets de blog.
A l’évidence, l’écrithérapie imposée n’a pas encore porté ses fruits, puisque je ressens inlassablement le besoin de revenir, et revenir encore sur le même sujet.
A chaque fois, je tente de mettre des mots sur mes sentiments, de comprendre et de solutionner.
Souvent, je crois avoir rebondi et être reparti sur les bons rails, puis je retombe dans le néant…
Je vous vois d’ici soupirer en vous disant : « Ca y est, il est reparti dans ses délires », ou « Encore un texte chiant à lire »…
Je comprendrais en effet aisément que vous soyez lassés de mes continuelles analyses, mais de grâce, restez jusqu’au bout…
Vous ne serez pas déçu.
Ecrire le mot « Fin ».La fin, c’est le commencement… Et je me suis rendu compte à la relecture de mes différents billets, que jamais je n’avais écrit le mot « Fin ».
Pour pouvoir écrire un nouveau chapitre de sa vie, il est en effet essentiel d’avoir tourné la page du précédent.
Hors, depuis le début de cette année, je ne parviens pas à écrire une nouvelle étape satisfaisante dans ma vie de joueur.
Continuellement, je reviens sur l’intrigue de la précédente qui m’obsède inlassablement.
Il y a bien entendu eu des éclaircies, mais jamais celles-ci n’ont été rampes de lancement pour la suite.
Vivre dans le passé n’aide pas à aller mieux, c’est certain. Et pourtant, c’est ce que je fais.
Et tant que je n’aurai pas craché une bonne fois pour toute, rancœur, frustration, déception, et tutti quanti, cela n’ira guère mieux.
Alors, allons-y…
Une évolution progressive jusqu’au déclicJ’ai débuté au poker il y a maintenant plus de cinq ans. Mon livre de chevet au départ était « Poker pour les Nuls »…
Bien vite, j’ai réussi à m’imposer dans les parties privées que je jouais, à la faveur d’une étude que n’avaient pas faite les joueurs que je rencontrais.
Idem pour le passage en Casino. 2007 et 2008 ont été de plutôt bonnes années. Là, où je raisonnais en sélection de mains, en position, et en cote, mes adversaires de l’époque n’avaient pas, pour la plupart, dépassé le stade de la belotte.
Puis comme tout le monde, j’ai cru que ce que j’avais acquis était suffisant, que j’allais en vivre, que je dominais un sujet facile… Bien entendu, les autres ont progressé pendant que je stagnais.
J’ai vécu mon premier creux de vague.
2009 et une partie de 2010 ont été une période de bourrage de crâne. Beaucoup de concepts nouveaux sont entrés en moi via des joueurs de plus haut niveau, sans que je ne parvienne à les exploiter.
J’étais néanmoins parvenu à faire le tri entre poker, boulot et vie privée, donnant au premier cité un aspect plus récréatif. Quand tu rentres dans la masse, tu dois bien réagir, et accepter l’idée que tu ne seras jamais que dans la moyenne.
Puis est venu le déclic début septembre dernier.
Le genre d’instant magique qui ne s’explique pas. Le moment où les résultats s’enchaînent, où la confiance augmente au fur et à mesure des jours, où tu mets en place une méthodologie de jeu en laquelle tu crois fermement et qui fonctionne…
Comble de l’ironie, c’est au moment où j’avais enfin réussi à ne plus tirer de plan sur la comète concernant mon avenir de joueur, que celui-ci me rattrape avec près de 40.000$ de gains en quelques semaines.
Et pour couronner le tout, je suis recruté par une Team Professionnelle pour devenir un de ses ambassadeurs…
Je participe en décembre à mon premier (et seul) tournoi de l’European Poker Tour…
Je reviens de là bredouille, mais enrichi d’une énorme expérience supplémentaire…
Je signe encore dans la foulée une série de bons résultats online (dont une belle TF à quasi 10.000$ dans l’équivalent du Big 55 du dimanche)…
Je termine l’année avec une solide bankroll, vais participer dans les prochains mois à plusieurs événements majeurs sous les couleurs de mon sponsor, et je déborde de confiance en moi.
Mon boulot tourne au mieux, ma vie privée est un bonheur, et ma passion m’apporte plein de satisfaction.
Je suis le roi du monde…
La ruptureSi je souhaite à tout passionné de poker de connaître un jour l’état d’euphorie qui était le mien au début de cette année, je ne souhaite à personne la déception qui a suivi.
Sans doute étais-je trop naïf à l’époque, mais toujours est-il que c’était la première fois que j’étais mis en face de l’envers du décor.
Au-delà de l’entente communautaire, le poker est un monde de requins où les sentiments n’existent pas.
La loi du premier janvier et mes relations professionnelles avec Circus m’obligeaient à prendre la décision de quitter mon sponsor.
Finis pour moi les grands tournois internationaux.
Dans la théorie, ce n’était pas grand-chose… Juste un retour en arrière de quelques semaines. C’est vrai, ce sponsor n’était qu’une cerise sur le gâteau après tout… Je n’avais rien demandé, et au final je m’en tirais avec l’énorme satisfaction d’avoir joué un tournoi fréquenté par les plus grandes stars…
Mais dans la pratique, la réalité était toute autre.
Marcel Quichotte ou le combat contre les moulinsSi j’acceptais la décision parce que fondée légitimement, je ne parvenais pas à évacuer l’idée d’être passé à côté de mon rêve…
Et à partir de là, tout s’enchaîne. Je joue avec amertume, frustré de ne pas pouvoir défendre mes chances, et fermement décidé à montrer aux responsables de ma décision que je peux y parvenir malgré eux.
Une réaction orgueilleuse, cela va sans dire, mais pas incompréhensible.
J’avais en point de mire Mon Las Vegas de juin. Ce moment où j’allais me retrouver face à moi-même, où j’allais aller défier les meilleurs joueurs de la planète…
Cet objectif à moyen terme m’a aidé à tenir, bien aidé par la double satisfaction d’avoir remporté l’award du meilleur joueur online, et le tournoi de Spa début mai.
Vegas s’est passé comme nous le savons tous, et je suis revenu quoi que j’aie pu en dire avec le moral dans les chaussettes.
Juillet - une lueur dans la nuitAlors que j’essaie de mettre de l’ordre dans mes idées, que je recommence à envisager l’avenir de manière sereine, j’apprends que mon ancien sponsor vient de contractualiser pour la dernière licence de chez Circus.
Ni une, ni deux, je rebondis sur la nouvelle en demandant à mes employeurs si maintenant il serait toléré que je puisse à nouveau être leur ambassadeur, puisque la room œuvre désormais dans la légalité.
Réponse positive m’est octroyée.
Bien entendu, je reste terre à terre. Il y a peu de chance que la room veuille encore de moi, puisque je les ai laissés tomber en janvier.
Néanmoins, les obstacles levés, et ayant toujours été honnête et cash envers la room, je décide de tenter le coup. Après tout, je n’ai pas grand-chose à perdre.
J’envoie alors ma candidature au responsable de la room, lui disant que j’étais de nouveau disponible sur le marché.
A ma grande surprise, celui-ci me répond qu’il serait ravi de me compter à nouveau parmi ses joueurs, me signifiant cependant que de grands changements sont prévus pour début octobre, et qu’avant ceux-ci, il ne pouvait me faire aucune promesse.
Alors que je m’attendais à une réponse négative, c’était plutôt encourageant.
C’est donc avec le moral regonflé que j’abordais la suite de mon parcours pokéristique.
Paf…Paf le chien ? Non… Paf le Julien…
Même pas trois mois après ce regain d’énergie et d’enthousiasme, je retombe de nouveau dans l’amertume…
Des changements ont été opérés, il y a désormais une Team Europe dans laquelle militent deux belges, et une Team B (Team Belgique) composée de 5 joueurs nationaux.
Il y a d’excellents joueurs, pour lesquels j’ai beaucoup de respect, et quelques randoms dont je n’ai pratiquement jamais entendu parler…
Et moi, je n’y suis pas… Enfin si… J’apprends que je suis en position de 4ème ou 5ème réserviste pour la Team B… Celle qui jouera principalement en Belgique, des tournois moyens buy-ins, où je ne pourrai pas jouer à cause de mon boulot.
Paf le Julien et surtout Paf l’ego…
Une décision que je respecteMême si elle fait mal, la décision me concernant reste logique…
Cela fait plus de dix mois maintenant que je joue pour de mauvaises raisons. Dix mois que je marche à l’orgueil. Dix mois qu’hormis quelques passages satisfaisants, je joue comme une quiche.
Va –t’en faire un ambassadeur d’un joueur tel que je le suis aujourd’hui…
A la rigueur, ambassadeur d’une marque de saucisson de donkey, ou d’aliment pour chat au fish…
Mais pas ambassadeur d’une room de poker. Il faut être humble et réaliste.
Humilité et fierté, un mélange complexeSi la lueur de juillet n’a servi qu’à flatter un peu plus mon ego, au final, je crois pouvoir dire que cette décision de me laisser sur le carreau est une excellente chose pour moi.
Cela m’a clairement ouvert les yeux, et m’a fait me rendre compte que depuis 10 mois je me fourvoyais totalement dans mon approche du poker.
J’ai aussi compris que je devais absolument mettre de côté cette histoire de rêve brisé. Sans quoi, je ne ferai pas de vieux os dans notre discipline.
Et quand je dis mettre de côté, c’est mettre de côté.
En effet, ce n’est pas parce que je prends cette décision avec humilité que je vais entrer dans un système que j’exècre…
Si je me replonge un an en arrière, les choses étaient claires. Je jouais pour mon plaisir, sans avoir aucune ambition d’être sponsorisé.
J’avais mon avis sur ce qu’étaient les chasseurs de sponsors, et celui-ci n’a pas changé…
Aussi, hors de question pour moi de figurer parmi les aspirants Team B, au côté de personnes qui vendraient leur mère pour avoir un logo et un sponsor à 500€…
J’ai donc communiqué au responsable mon refus de faire partie des aspirants à cette Team B.
Être l’ambassadeur d’une room à l’avenir, pourquoi pas… Être un homme sandwich juste bon à facebooker des pubs pour entretenir le leurre de ce que je ne suis pas… Non merci.
Au finalFaire un trait sur le passé n’est pas une chose simple. Sans doute s’obtient-elle à la faveur d’un déclic… On se lève un jour au matin, et l’horizon est dégagé… On sait où l’on va, et on se sent bien dans ses souliers.
Dans mon cas, avant d’y arriver, il va falloir reconstruire sur de bonnes bases, reprendre confiance, et recommencer à travailler mon jeu avec sincérité.
10 mois d’orgueil, ça fait des dégâts…
Mais ça… c’est déjà le chapitre suivant.